Mon nouveau "bébé" !

michael-penn Par Le 07/02/2010 0

Comme vous le savez mon 6ème est en marche. Vous connaissez le dicton : "il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué" et bien, j'ai décidé de passer outre et de vous faire saliver avec ces quelques pages... j'attends vos commentaires.

 

Surprise… Surprise…

    

    

     Dix-neuf heures. Monique Richard, habitait au sixième étage d'un immeuble situé Boulevard René Lévesque à Montréal –que nous nommeront tour de Mars– Trente-cinq ans, un mètre soixante-dix, mince, allure sportive, elle rentrait chez elle après une journée de travail dans son cabinet d'avocats, spécialisé dans le droit commercial. En ce moment, elle avait un gros dossier sur les bras. Dans cette affaire, jalonnée de plusieurs cadavres où se mélangeaient trafic d'influence, corruption, racket, drogue et j'en passe, elle représentait le ministère public contre la maffia italienne. Il y en avait pour des mois, à ramasser, classer, lire, étudier, disséquer, des tonnes de preuves plus ou moins accablantes. Période durant laquelle des témoins allaient disparaître mystérieusement, se suicider sans raisons, tomber malencontreusement du haut d'un immeuble ou tout simplement se rétracter. Elle n'était pas, non plus, à l'abri de menaces à partir du moment où l'affaire allait tourner au vinaigre pour les truands. Pour l'instant, il n'y avait aucun risque mais, bientôt, elle allait devoir commencer à observer si elle n'était pas suivie lors de ses déplacements ou tout simplement le soir, en rentrant chez elle à pieds. Peut-être, comme cela s'était produit dans une précédente affaire, devrait-elle se faire escorter par un policier jusqu'à son domicile. Heureusement elle habitait à quelques pâtés de maison de son cabinet.

     Comme tous les jours, en passant devant la boutique de lingerie fine proche de la tour à logement où elle demeurait, elle s'arrêta quelques secondes pour admirer les dessous affriolants. La vitrine refléta son image, elle passa les doigts dans sa tignasse blonde taillée à la garçon. Ce n'était pas sa coupe préférée mais compte tenu des baguettes de tambours qui recouvraient son crâne c'était la seule coupe qui lui permettait de rester présentable tout au long de la journée. Giorgio, son coiffeur, avait assez bien réussi son coup et pour elle, qui partageait ses fins de semaine entre le jogging, la natation et le squash, c'était la coupe idéale.

     Elle esquissa un sourire en voyant le dessous en dentelle rouge qui ornait un des mannequins. Elle possédait le même, offert par son dernier amant en date. Pauvre chéri, à chaque fois qu'elle s'offrait à lui dans cette tenue, il était au bord de l'apoplexie. Il avait dû payer ça une fortune. Comment les hommes mariés arrivent-ils à cacher de telles dépenses à leur conjointe ? Pensa-t-elle tout en reprenant sa marche vers l'entrée de son immeuble.

     Arrivée à l'entrée de la tour, elle sortit une carte en plastique, la glissa dans la fente prévue à cet effet, composa un code, et la porte s'ouvrit. Elle pénétra dans le hall, ramassa le courrier déposé dans sa boîte et passa devant la loge des gardiens. Elle ne s'attarda pas. Si Thérèse, la gardienne, la voyait elle allait entrer dans des conversations à n'en plus finir. C'était  incroyable : il y avait dix  étages et quatre logements à chaque niveau… Quarante appartements et la gardienne semblait tout connaître de chacun des locataires. Quant à Adriano, son mari, l'homme à tout faire de la tour, Monique ne l'aimait pas. C'était un fort en gueule qui agissait comme si la tour était à lui. À chaque fois qu'elle le croisait, une irrésistible envie de rire la prenait. Il lui faisait penser à Aldo (Maccione) la classe ! De plus, comme tous les italiens, c'était un baratineur de première qui la draguait à chaque fois qu'il la rencontrait. Il faut dire qu'il n'y avait pas beaucoup de jeunes femmes célibataires dans cet immeuble. Monique en connaissait, tout au plus, cinq. Quand elle avait aménagée, elle n'était pas rassurée de savoir que cet homme possédait un double de ses clés. Mais, avec le temps, elle le croyait plus antipathique et gaussant que méchant et dangereux.

 

     Arrivée devant l'ascenseur, elle appuya sur la touche d'appel. Environ vingt secondes plus tard, un "cling" la prévint que la cabine était là. La porte s'ouvrit et… Elle poussa un hurlement de terreur qui se répercuta contre les murs vides du hall tel un écho. Elle sentit ses jambes se dérober  et perdit connaissance.

    

     Alertée par ce cri, Thérèse, la concierge, qui préparait son repas du soir, en eut des frissons. Elle reposa la casserole qu'elle avait à la main et se précipita hors de sa loge. Une femme était étendue devant l'ascenseur. Elle se précipita et reconnut sa locataire du 603. Elle fit rapidement un état de la situation : Monique respirait, il n'y avait pas de sang, elle avait certainement eu un malaise. Oui mais, pourquoi avoir poussé un cri de terreur ? Pouvait-elle se permettre de toucher au corps, fallait-il appeler la police, une ambulance ? Elle en était là de ses déductions lorsque Monique, après avoir laissé échapper un soupir, ouvrit les yeux.

     – Que vous est-il arrivé m'dame Richard ? c'est moi, Thérèse, la concierge. Vous m'reconnaissez ?

     – Oui, oui.

     – Où avez-vous mal ? Vous voulez que j'appelle une ambulance ?

     – C'est plutôt la police que vous allez devoir appeler, Thérèse.

     – La police ! et pourquoi M'dame Richard, vous avez été agressée ?

     – Non… là, fit la jeune femme en montrant l'ascenseur du doigt. Vous n'avez pas vu ?

     La concierge tourna la tête.

     – Oh ! peuchère.

     Une chaussure d'homme, bloquait  la porte de la cabine. Par la fente la concierge vit que dans cette chaussure il y avait un pied au bout d'une jambe et certainement, un peu plus haut, devait se trouver le corps de la personne à qui le tout appartenait.

     – Oh ! vous avez quoi, tous, à me faire des malaises ?

     Monique, qui commençait à reprendre ses esprits, répondit.

     – Ça m'étonnerait que ce monsieur ait eu un malaise. Je n'ai pas vu grand-chose mais il baigne dans une marre de sang. Je ne sais pas si c'est un suicide ou un crime mais ce n'est pas beau à voir.

     – Un crime ? reprit Thérèse. Vous pensez pas que vous y allez un peu fort m'dame Richard. Un crime, dans mon immeuble, dans mon ascenseur, c'est pas possible !

     – Qué sé passa ? demanda une voix d'homme.

     – Tu arrives à point, Adriano. C'est m'dame Richard qui a eu un malaise en voyant ça, fit-elle en montrant la chaussure. Et il paraît que dedans c'est pas beau à voir. Tu devrais y jeter un œil pendant que j'amène m'dame Richard chez nous pour lui donner un petit remontant. Elle dit que, peut-être, on va devoir appeler la police.

     – Ce n'est pas peut-être, c'est certain, précisa Monique. À moins que vous préfériez tout faire disparaître.

     C'était plus fort qu'elle. À chaque fois qu'elle croisait le mari de la concierge, elle ne pouvait s'empêcher de penser que cet homme devait faire partie de la maffia. Il avait la tête de l'emploi et pour elle, tous les italiens étaient des maffiosi. En plus, l'immeuble appartenait à un Italien.

     – Pendant que je regarde à qui appartient le pied, offre-lui un verre de grappa, ça va lui redonner des couleurs.

     – C'est fort ? demanda Monique qui n'était pas habituée à consommer de l'alcool.

     – La grappa ? ça réveillerait un mort. Et puis, celle-là c'est de la vraie qu'on a ramené de notre dernier voyage en Italie. Vous allez m'en donner des nouvelles.

     – En tous cas, ça m'étonnerait que ça réveille celui qui est dans l'ascenseur, ajouta Monique. 

     – Arrêtez de dire ça m'dame Richard, je suis certaine que vous avez mal vu. Vous voulez que je vous aide… c'est que vous m'avez pas l'air très fraîche. Dites-donc, l'homme… heu… vous avez eu le temps de le reconnaître ? Vous pensez que c'est un de nos locataires ?

     –  Tout ce que j'ai vu c'est du sang, beaucoup de sang.

     –  Oh ! boudiou, y manquez plus que ça. Qu'est-ce qui vous fait rire, m'dame Richard ?

     – Ne le prenez pas mal, mais avec votre coupe de cheveux et votre physique, je trouve que vous ressemblez à Mireille Mathieu. Ajoutez à cela, vos expressions marseillaises et votre accent, et la situation semble encore pire que ce qu'elle est. J'ai l'impression d'entendre les acteurs de Pagnol.

     – Ah ! je savais pas que notre Marius il était connu jusqu'au Québec.

     – Ça fait partie des grands classiques et avant de me destiner à une carrière d'avocate, j'ai fait Lettres.

     – Ouais… vous devez en connaître des choses. Comment ça se fait qu'avec une tête aussi pleine, vous n'ayez pas encore trouvé un mari ?

     – Je ne suis certainement pas encore tombée sur le bon numéro.

     – Faut pas attendre, m'dame Richard, les années passent vite vous savez, ajouta Thérèse en poussant sa locataire à l'intérieur de sa loge.

 

    – Putana dé putana ! fit Adriano en entrant dans la pièce. Il est bien mort et on va en avoir pour des heures à nettoyer tout le sang. Y'en a plein la cabine. Ils ne l'ont pas raté, ils lui ont fait une boutonnière d'une oreille à l'autre. Une chose est certaine, c'est pas un de nos locataires. Ils auraient pu aller faire ça ailleurs que dans mon ascenseur. C'est pas la place qui manque à Montréal. On n'a pas fini d'avoir la police sur le dos. En tous cas, c'est pas un travail d'italiens. Nous, les cadavres ils ne pourrissent pas les ascenseurs.

     – Non ! vous les balancez dans le fleuve, ne put s'empêcher d'ajouter Monique.

     – Peut-être, mais là ils ne dérangent personne et ils nourrissent les poissons. Alors, cette grappa, vous la trouvez comment,  madame Richard ?

     – Ça irait mieux si vous aviez un extincteur pour éteindre le feu qui a pris entre ma bouche et mon estomac.

     – En tous cas, ça vous a redonné des couleurs. Bon ! Thérèse, tu téléphones à la police pendant que j'accompagne madame Richard chez elle. Heureusement qu'il y a deux cabines, sinon il nous faudrait monter les six étages à pied. Et pendant que j'y pense, attendez-vous à voir la police arriver chez vous. Ils vont vouloir que vous leur racontiez…

     – Ça sera vite fait. La porte c'est ouverte et je me suis évanouie. Mais maintenant je me sens en forme, inutile de m'accompagner.

     – Vous plaisantez. Thérèse, tu as vu quelqu'un, que tu ne connaissais pas, entrer et sortir ?

     – Non ! mais… pendant que j'y pense, le mort, là, si c'est pas un locataire, comment il est entré ?

     – Il est pas passé par le parking, j'étais en train de repeindre la barrière, je pouvais pas le manquer. Je pense que, quand la police va le fouiller, ils vont trouver une carte d'entrée dans ses poches et on saura chez qui il allait. Celui qui a fait ça, je vais lui souffler dans les bronches, moi. Pas question qu'on entre dans notre immeuble comme dans un moulin !

     – S'il a été assassiné par celui qui lui a prêté sa carte d'accès, je doute fort qu'il lui ait laissé le carton dans la poche.

     – C'est vrai ce que vous dites madame Richard. Raison de plus pour que je vous accompagne jusque chez vous car ça veut dire qu'il y a, peut-être, un assassin dans l'immeuble.

     – Adriano, t'es complètement fada. Si tu fais courir ce bruit, plus personne va vouloir habiter ici.

     – La police va se charger de le faire courir le bruit, crois-moi. Si ça va mieux, madame Richard, on y va. J'en profiterai pour monter au dixième. Madame Bastien a un robinet qui fuit.

     – Ah ! celle-là. Je trouve qu'il fuit bien souvent, son robinet. T'as pas intérêt à traîner ou c'est moi qui vais aller lui boucher la fuite et c'est pas dans le tuyau que je vais lui mettre le bouchon.

     – T'excites pas ma Thérèse, c'est pas mon genre et puis… elle est mariée.

     – Pas ton genre… mariée… mon œil ! Toi, du moment qu'y a un trou à boucher.

     – Bon, je crois que je vais y aller, moi.   

     – Pas question que je vous laisse aller seule, madame Richard. Pas après ce qui vient d'arriver.

 

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